44 x 583,5 cm
2e quart du XIXe siècle
Crayon et huile sur papier marouflé sur toile
Fig. 1 J.-B.-L. Maes, dit Maes-Canini, Quatre études de femmes et enfants
Fig. 2 J.-B.-L. Maes, dit Maes-Canini, Portrait d’une jeune italienne, Rome 1828, 47 x 37 cm, Gand, Bijlokemuseum, inv. A65.02.029.
Fig. 3 J.-B.-L. Maes, dit Maes-Canini, La Préparation à une célébration, 1852, huile sur toile, 80 x 72 cm. Localisation inconnue (San Francisco, Butterfield & Butterfield, 20 novembre 1996, lot 2701)
Fig. 4 J.-B.-L. Maes, dit Maes-Canini, Le bon Samaritain, Rome 1825, huile sur toile, 251 w 200 cm, Amsterdam, Rijksmuseum, inv. SK-A-1078
+ éventuellement : J.-B.-L. Maes, dit Maes-Canini, Allégorie de la Beauté, ca. 1829 ( ?), huile sur toile, 233,5 x 149,7 cm, Gand, Stedelijk museum voor Schone Kunsten, inv. 1832-C.
À la différence d’un François-Joseph Navez (Charleroi 1788 - Bruxelles 1869) qui, parti à Rome pour y parfaire sa formation, n’y séjourna que quatre années, certains peintres belges contemporains firent le choix de s’y établir définitivement. C’est le cas de l’Anversois Martin Verstappen (Anvers 1773 – Rome 1852) et du Gantois Jean-Baptiste-Louis Maes, dit Maes-Canini. Si le premier a trouvé sa voie dans le domaine du paysage, le second s’est imposé, dès le milieu des années 1820, comme l’un des peintres les plus demandés à Rome dans le genre populaire de la scène à l’italienne.
Élève à l’Académie des Beaux-Arts de Gand, Jean-Baptiste-Louis Maes fit preuve d’un talent précoce. Il rafle ainsi les prix des concours des écoles des Beaux-Arts auxquels il participe, à Malines en 1810, à Gand en 1817, à Bruxelles en 1818, à Anvers et à Amsterdam en 1819. Élu membre de la Société Royale des Beaux-Arts de Gand en 1820, il se voit accordé par sa ville natale une pension annuelle pour deux années afin de poursuivre sa formation à l’étranger. De Paris où il séjourne en compagnie du paysagiste François Vervloet (Malines 1795 - Venise 1872), il concourt avec succès au Prix de Rome de l’Académie d’Anvers de 1821. Nanti d’un subside du gouvernement hollandais, il se met rapidement en route pour la Ville éternelle en compagnie de Vervloet. Partis de Paris à la mi-août 1821, les deux artistes arrivent à destination le 16 septembre suivant.
Lorsqu’il entre dans Rome, Jean-Baptiste-Louis Maes est un artiste confirmé qui s’est déjà illustré dans différents genres : la peinture d’Histoire, l’allégorie, le portrait. De nouvelles commandes de tableaux lui parviennent de sa ville natale, dont un grand tableau d’autel : La Sainte Famille avec sainte Anne et saint Joachim pour l’église Saint-Michel. Ces marques d’intérêt pour sa peinture enthousiasment le peintre qui ambitionne encore d’être un peintre d’Histoire : « Je viens d’apprendre avec beaucoup de satisfaction que l’église de St. Michel [de Gand] vient de m’ordonner un tableau pour la chapelle de St. Anne » , écrit-il le 30 juin 1824 à Liévin De Bast, le secrétaire de la Société royale des Beaux-Arts de Gand, « maintenant je me trouve heureux de trouver l’occasion de pouvoir m’occuper entièrement au genre historique ; et je tâcherai de m’en acquitter avec honneur à l’attente générale du public et de mes concitoyens : ici je suis content et heureux me trouvant toujours au milieu des chef-d’œuvres ».
Avec un petit groupe de compatriotes belgo-hollandais, Vervloet et Verstappen déjà cités, Hendrik Voogd (Amsteram 17687 - Rome 1839), Cornelis Kruseman (Amsteradm 1797 - Lisse 1857), Philippe Van Brée (Anvers 1786 - Saint-Josse-ten-Noode 1871), et le sculpteur Mathieu Kessels (Maestricht 1784 - Rome 1836), Maes effectue des excursions dans la campagne romaine, visitant les Monts Albains, Castel Gondolfo, Genzano, Nemi, Palestrina, Zargalo, Fracati, Grottaferrata, des lieux réputés pour la beauté des villageoises et de leurs costumes bigarrés et chatoyants. Il fréquente également les milieux plus cosmopolites. Ainsi, il se retrouve en juillet 1823 au couvent de Santa Scolastica à Subiaco, en compagnie de Vervloet, du mystérieux russe Abasettel, des Français Louis Étienne Watelet (Paris 1780 - 1866), Raymond Quinsac Monvoisin (Bordeaux 1790 - Boulogne-sur-Seine 1870) et François Antoine Léon Fleury (Paris 1804 - 1858). Il côtoie enfin les artistes germaniques.
Stimulé par ses confrères et par l’atmosphère particulière de la cité éternelle, il se tourne de plus en plus vers le genre alors à la mode de la scène à l’italienne. Il annonce à Lièvin de Bast dans sa lettre du 30 juin 1824 : « J’ai l’honneur de vous annoncer que je viens d’expédier au commencement de ce mois trois tableaux ; représentant un St Sébastien, une vieille femme en prières, et le troisième les Pifferari devant une Madone : au commencement du mois prochain j’envoie un autre, dont le sujet est une jeune et belle Vignerola avec un vieillard, groupe de grandeur naturelle ». Ces tableaux figureront au Salon de Gand de 1824.
Dorénavant, et à l’exception de quelques nouveaux tableaux religieux, tel Le Bon Samaritain de 1825 (fig. 4), il s’adonne principalement à la scène à l’italienne, devenant l’un des spécialistes à Rome de ce genre. Sa réussite est telle qu’en 1834, il dirige un atelier dans lequel il emploie plusieurs jeunes artistes afin d’honorer ses nombreuses commandes. Doué d’une incontestable maîtrise du dessin et dans le rendu des matières, que ce soient les délicates carnations de jeunes filles, la rudesse de vieux murs lézardés, les lourdes étoffes de laines ou les légère chemises de lin, il s’est complu à flatter les goût de sa clientèle avec des représentations quelque peu minaudières, du pittoresque petit peuple romain. Certaines de ses œuvres ne sont pas sans évoquer d’ailleurs, mais sur un mode doucereux et apprêté, les tableaux de Léopold Robert (La-Chaux-de-Fonds 1794 - Venise 1835), dont il a sans doute été en relation, ainsi que le suggère Denis Coekelberghs. Jean-Baptiste-Louis Maes a décliné les thèmes propres au genre, mettant en scène des pèlerins, des ermites, des bergers, des contadini et des pifferari.
En 1827, Jean-Baptiste-Louis Maes se marie à Rome avec Anne Maria, fille du graveur Bartolomeo Canini, et s’établit définitivement dans la ville. Dorénavant, il joint le nom de son épouse au sien. De leur union naît un fils, en 1828, Giacomo, peintre comme lui. Maes-Canini demeure aussi un relais utile pour les artistes belges arrivant et séjournant à Rome.
Jusqu’à présent, nous ne connaissions aucune étude préparatoire à des tableaux de l’artiste. Cette feuille d’études au crayon et à l’huile est ainsi le premier témoignage sur sa manière de travailler. On y découvre quatre études de figures, l’une d’une mère italienne buvant à une cruche d’eau qui lui est tendue tout en allaitant son enfant ; le deuxième représente une fillette italienne assise par terre et tendant un objet de la main droite à un personnage non représenté, mais qu’elle regarde en souriant ; la troisième étude est celle d’une jeune Italienne vue de dos et qui tourne le tête vers le spectateur ; la dernière étude semble combiner deux figures, une Italienne également assise par terre sur laquelle l’artiste a superposé un buste de femme à la tête couverte d’un fichu blanc.
On a pu rapprocher deux de ces études à des tableaux du peintre : l’étude de la jeune femme vue de dos au Portrait d’une jeune Italienne, datée de 1828 (fig. 2), l’étude de la fillette assise, mais inversée, au tableau La Préparation à une cérémonie, daté de 1852 (fig. 3). Ces découvertes offrent évidemment une fourchette chronologique s’étendant sur près d’un quart de siècle.
Elle témoigne du minutieux travail de Maes-Canini de mise au point de ses figures. Formé au rigoureux enseignement néo-classique, il définit la silhouette de chacune d’elles par un léger traçage au crayon. Il colorie ensuite ses figures, en leur donnant corps et volume par un subtil dégradé d’ombre et de lumière. Comme chez Navez ou son compatriote le Gantois Joseph Paelinck (Gand 1781 - Ixelles 1839), la peinture de Maes-Canini se présente comme une synthèse heureuse entre la tradition coloriste des maîtres flamandes et la fermeté du dessin du néo-classicisme davidien que le peintre gantois n’a pas manqué d’étudier lors de son séjour parisien.
Alain Jacobs