Pastel sur parchemin, circa 1745
Provenance : collection particulière
Fils d’un calviniste français exilé en Suisse après la révocation de l’Edit de Nantes, Liotard fut tout d’abord formé chez le portraitiste genevois Gardelle l’aîné. Envoyé à Paris par son père pour y parfaire sa formation, il fréquenta l’atelier du miniaturiste Massé.
Considéré de son vivant comme un des plus grands pastellistes de son époque, Liotard fut transformé par son séjour à Constantinople où il se fit remarquer par ses Turqueries. Fin portraitiste et peintre orientaliste avant la lettre, Liotard exerça son art tout d’abord en tant qu’émailleur, miniaturiste sur ivoire puis pastelliste.
Notre portrait inédit d’homme en buste date du séjour viennois de l’artiste entre 1743 et1745 qui représente probablement un personnage proche de la Cour impériale. Lors de son séjour viennois, l’artiste deviendra le peintre officiel de l’Impératrice Marie-Thérèse d’Autriche. En effet, Liotard d’un caractère facétieux avec sa mise orientale et sa longue barbe se rapprochait jusque dans son style vestimentaire des personnages Ottomans de la Corne d’or. Il devint ainsi, la véritable coqueluche et l’attraction de la cour impériale viennoise avant de rencontrer le marquis de Puypieux, ambassadeur de France en Italie. Il existe un pendant féminin à notre pastel (69 x 56 cm), lui aussi sur parchemin et qui est actuellement conservé dans une collection privée européenne.
Il se rendit à Rome avec ce dernier en 1736 mais lassé de la ville éternelle, l’artiste saisit l’occasion d’un voyage en Orient que lui offrit un ami anglais, le chevalier de Ponsonby, futur comte de Bessborough.
C’est à Constantinople où il séjourna près de cinq années qu’il réalisa le portrait du célèbre Achmed Pacha, comte de Bonneval. Le pastel connaîtra ses lettres de noblesse en Europe grâce au séjour parisien de Rosalba Carriera en 1720. Le jeune Maurice Quentin de la Tour débutera sa carrière en copiant les œuvres de cette dernière. Adepte du vélin ou du parchemin préparé à la pierre ponce ainsi que du papier gris ou bleu, Liotard a su jouer à l’infini de cette technique pour ses qualités de flou, de vaporeux, d’estompe et de gommage ainsi que ses tracés vigoureux et hachurés. Chez Liotard, il n’y a pas de volonté de traduire la grâce, la finesse et l’analyse psychologique propre à la Tour ou à Perronneau.
Dans notre composition, l’artiste atteint la perfection dans la finition du visage aux traits précis et sûrs, au détriment du vêtement traité en réserve du parchemin.
Comme le souligne Isabelle Félicité Bleeker « Liotard met au point une prodigieuse technique réaliste donnant l’illusion parfaite du relief, traduisant avec virtuosité le chatoiement des matières, restituant à chaque étoffe sa volupté et sa finesse ». Notre modèle à l’allure fière et noble, légèrement de trois-quarts fait transparaître les qualités de coloriste et de dessinateur de l’artiste par une mise en place au stylet dans les contours du vêtement à la touche quasi expressionniste.
Liotard ne cherche pas à embellir ni à travestir la réalité mais au contraire est en quête permanente de vérité pour restituer à l’âme humaine toute sa profondeur.
Artiste visionnaire, s’il en est, Liotard sera précurseur notamment dans ses natures mortes qui annoncent Cézanne et Renoir avec près d’un siècle d’avance.
Nous remercions Monsieur Marcel Roethlisberger de nous avoir confirmé l’authenticité de notre pastel qui sera intégré dans le catalogue raisonné à paraître prochainement sur l’artiste.
Bibliographie :
Jean Etienne Liotard dans les Collections des Musées d’Art et d’Histoire de Genève, Claire Stoullig, Isabelle Félicité Bleeker, Somogy, Genève 2002.
L’opéra compléta di Liotard, Renée Loche et Marcel Roethlisberger, Rizzoli Editore, Milan, 1978.
Dictionary of pastellists before 1800, Neil Jeffares, Unicorn Press, Londres 2006, p.345.