H. 64 cm (piédouche 15 cm)
1783.
Terre cuite patinée.
Signé et daté fait par Caffieri 178(3 ?) et annoté Jean B. R au verso à la pointe
Grand rival d’Houdon, Caffieri prit contact pour la première fois avec le Théâtre Français en 1773, à l’occasion de la mort de Piron : il proposa alors aux comédiens de réaliser le buste du dramaturge, en échange duquel il négocia l’obtention d’un abonnement à vie à l’Académie. Ce curieux arrangement fit florès : réitéré une dizaine de fois par le sculpteur au cours de sa carrière, il sera adopté par d’autres artistes : Houdon, dès 1778, ou Pajou l’année suivante.
Dans une lettre qui accompagnait le buste de Pierre Corneille, dont il fit présent au Théâtre en novembre 1777, Caffieri écrivait : « Votre foyer sera désormais le dépôt des portraits de ceux qui ont illustré la scène ». René Delorme, qui rédigea la première histoire du Musée de la Comédie française en 1878, attribue ainsi à Caffieri la paternité du Musée.
Les premiers échanges entre la Comédie et l’artiste au sujet d’un buste de Jean-Baptiste Rousseau remontent au début de l’année 1782, comme nous l’apprennent les archives du Théâtre Français. Une note, manifestement restée sans réponse, indique que « M. Caffieri a l’honneur de proposer à Messieurs les Comédiens du Roy de faire un échange, c’est-à-dire qu’il fera le buste en marbre de Jean-Baptiste Rousseau pour les entrées de son ami ». Le 12 décembre de la même année, Caffieri manifestait son intention de « faire les portraits en marbre de Jean-Baptiste Rousseau et de René le Sage pour les entrées de ma nièce et d’un ami que je désire obliger ». La demande sera réitérée à plusieurs reprises et manifestement rejetée ; peut-être les comédiens ne voyaient-ils pas l’intérêt d’un buste de Rousseau, plus connu pour ses épigrammes vindicatifs, ou pour l’acerbe pamphlet que Voltaire publia contre lui, que pour la qualité de son théâtre.
Une lettre nous apprend toutefois que Caffieri travaillait au marbre au milieu de l’année 1783. En janvier 1786, les comédiens acceptèrent devant notaire d’octroyer une entrée à vie à l’avocat Pierre-François Boyer en échange du buste. Présenté au Salon de 1787, l’ouvrage fut installé par le sculpteur dans le foyer du Théâtre le 15 octobre de la même année. Une lettre de Caffieri, qui accompagnait cet hommage posthume, nous informe qu’il fut réalisé à partir d’un tableau de Joseph Aved présenté au Salon de 1738 (Château de Versailles).
Notre terre cuite présente une facture vive ; Caffieri a laissé perceptible le passage des outils. Le modelé du visage traduit avec acuité l’expression du poète. La qualité d’exécution se décèle également dans le traitement des boucles de la perruque, ou des plis du jabot. Ces différentes observations laissent penser que notre œuvre pourrait être un modello.
D’autres versions précèdent le marbre de la Comédie Française, qui fut maintes fois répliqué. Une seconde terre cuite, ni signée ni datée, est conservée à Versailles (Don de M. Souffrice, entré en 1960). Le château conserve également un buste en plâtre signé et daté de 1786, probablement réalisé par l’atelier du maître, entré dans ses collections en 1839 ; il est souvent cité dans les sources anciennes comme une terre cuite, en raison de sa patine.
Les sources permettent en effet de distinguer l’existence de deux terres cuites. L’une d’elle fut envoyée par Caffieri à l’Académie en 1784, avec seize autres bustes reproduits ou créés par ses soins. On peut lire, dans la lettre de Caffieri qui accompagne ce don : « Jean-Baptiste Rousseau a été fait d’après le portrait peint par Aved. Je dois l’exécuter en marbre pour le foyer de la Comédie Française » (cité par Guiffrey, p. 359-360). Cette version est probablement distincte du modello, dont Caffieri ne se serait pas départi alors que son marbre n’était pas terminé. Le buste de l’Académie rejoignit après la Révolution le Musée des Monuments Français de Lenoir : le catalogue du Musée de 1810 présente une terre cuite de Jean-Baptiste Rousseau par Caffieri, sous le n° 392. Selon les Archives du Musée, le buste fut remis à la Préfecture de la Seine en 1819. C’est peut-être le même que l’on retrouve toutefois en 1837 dans la vente de la collection d’Alexandre Lenoir, sous le numéro 275.
M.B.
Bibliographie
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Ministère de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts, Inventaire général des Richesses d’art de la France, Archives des Monuments Français, Troisième Partie, Paris, Plon, 1897, p. 81, 198, 199, 301, 302, 481.
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J. GUIFFREY, Les Caffiéri, sculpteurs et fondeurs-ciseleurs, Paris, D. Morgand et C. Fatout, 1876.
Catalogue des Antiquités et objets d’art qui composent le cabinet de M. le Chevalier Alexandre Lenoir, fondateur du Musée des Monuments Français..., vente Paris, Ecole des Mines, 11-16 décembre 1837, p. 32, no 275.