H. 31 L. 18 P. 14 cm
1909.
Bronze à patine brune.
Fonte à cire perdue.
Signé sur la base DALOU.
Numéroté (1) et marqué par le fondeur CIRE PERDUE A.-A. HEBRARD
Provenance
· Vente Paris, Drouot-Montaigne, Me Briest, 21 novembre 1995, lot 9.
· Collection Eleanor Post Hutton née Close (1909-2006) et Antal Miklos Post de Bekessy (1944-2015), Paris.
· Vente Paris, Sotheby’s, 20 décembre 2017, lot 591.
Œuvre en rapport
Terre cuite. Paris, Petit Palais, inv. PPS00335 (achat à Georgette Dalou en 1905)
Édition bronze : contrat Hébrard-héritiers Dalou, 31 janvier 1909, no 25 (2e catégorie : 10 épreuves).
Fils d’un ouvrier gantier, Aimé Jules Dalou fut remarqué très jeune par Jean-Baptiste Carpeaux, qui l’engagea en 1852 à intégrer la Petite École, et suivit attentivement sa formation. Deux ans plus tard, Dalou rejoignit l’atelier de Duret à l’École des Beaux-Arts, mais continua sa vie durant de considérer Carpeaux comme son maître. Le jeune sculpteur souffrit de l’enseignement académique des Beaux-Arts qu’il délaissa rapidement. Il devait, quelques trente années plus tard, refuser le poste de professeur qu’on lui y proposait.
Les débuts de cet homme sensible, doutant de lui, furent laborieux. Après quatre échecs au prix de Rome (1861 à 1865), il s’adonna pour vivre à la sculpture décorative, réalisant des modèles pour un fabricant de bronze commercial, puis travaillant pour les orfèvres Favière et le décorateur Lefèvre. Il réalisa d’importants travaux décoratifs pour l’Hôtel de la marquise de Païva puis l’Hôtel Menier.
Jules Dalou connut un premier succès au Salon de 1870 avec une Brodeuse. L’État lui en commanda une version en marbre, mais la Commune ne lui permit pas de venir à bout de l’entreprise, entraînant l’artiste, sa femme et sa fille pour dix années d’exil en Angleterre où il fut chaleureusement accueilli. A son retour définitif à Paris, en 1880, le succès de Dalou alla croissant, assorti de médailles au Salon et de très nombreuses commandes privées et publiques.
A côté de l’image de la jeune mère, très appréciée de ses commanditaires anglais, la femme nue est l’un des sujets de prédilection de Dalou. Il le développa surtout dans les dernières années de sa vie, au travers de nombreuses petites études vigoureuses en ronde-bosse à la terre cuite ou en plâtre qu’il n’exposa ni n’édita de son vivant. Semblant les avoir menées pour son seul plaisir, Dalou les conserva dans son atelier, puisant parfois dans ce charmant répertoire de formes pour l’élaboration de ses monuments.
Non datée, la Supplication dont la terre cuite originale provenant du fond d’atelier de l’artiste est conservée au Petit Palais, pourrait ainsi être rapprochée d’un ensemble d’études pour le Monument à Gambetta et plus particulièrement de l’un des deux groupes allégoriques encadrant la figure de l’homme d’État. La souscription internationale pour l’érection d’un monument dans les jardins du Carrousel à Paris fut ouverte au lendemain des funérailles de Léon Gambetta et aboutit deux ans plus tard. Le projet de Dalou, réalisé en collaboration avec l’architecte Louis-Lucien Faure Dujarric, faisait partie des six retenus par le jury, qui finalement préféra celui de Jean-Paul Aubé et de Louis-Charles Boileau. Connue d’après des photos, la proposition de Dalou fut reprise par le sculpteur en 1900, lorsqu’il reçut commande d’un monument financé par une souscription nationale et destiné à Bordeaux. Dalou remplaça le buste de Gambetta par une statue en pied, mais conserva les deux groupes dont celui offrant des parallèles frappantes avec La Supplication.
Dénommé L’Éloquence souffletant [giflant] le césarisme dans le projet de 1884, celui-ci devint La Sagesse soutenant la Liberté dans le monument bordelais tout en conservant la disposition de deux figures, l’une debout et l’autre agenouillée et s’affaissant. Bien plus expressive, notre Supplication paraît dépourvue de toute connotation allégorique complexe. Une jeune femme nue est assise sur un rocher. Elle enlace fermement un homme aux longs cheveux bouclés qui tente de se dégager de cette étreinte et détourne son regard du visage suppléant de sa compagne. Les poses tendues et déséquilibrées de l’homme et de la femme saisis dans un mouvement contraint tel un ressort, sont servies par un modelage vigoureux et une surface chaotique.
Dalou ne fit éditer qu’un nombre infime d’œuvres de son vivant, mais envisagea plus sérieusement l’édition à la fin de sa vie, afin d’assurer la subsistance de sa fille. La Supplication fut ainsi transposée en bronze par Hébrard et coulée en dix exemplaires seulement dont cinq sont aujourd’hui localisés : le numéro 2, conservé au Petit Palais et trois autres en mains privées. L’œuvre que nous présentons porte le numéro 1, correspondant à la première épreuve réalisée dans les ateliers sous la supervision des collaborateurs de Dalou.
M.B.
Bibliographie de l’œuvre
Henriette CAILLAUX, Aimé Jules Dalou (1838-1902), préface de P. Vitry, Paris, 1935, p. 136, cat. 226 (terre cuite), 226 bis (bronze).
Amélie SIMIER et Marine KISIEL, Jules Dalou, le sculpteur de la République. Catalogue des sculptures de Jules Dalou conservées au Petit Palais, Paris, Musées, 2013, p. 421, cat. 343 (terre cuite), 345 (bronze), p. 450, an. 5, no 343, contrat 25.
Bibliographie générale
Maurice DREYFOUS, Dalou, sa vie et son œuvre, Paris, Laurens, 1903.
Stanislas LAMI, Dictionnaire des sculpteurs de l’école française au XIXe siècle, Paris, 1914, t. II.
Pierre KJELLBERG, Les Bronzes du XIXe siècle. Dictionnaire des sculpteurs, Paris, 1989.