65 x 66 cm
Marbre de Carrare
Provenance :
• Vente Sotheby’s Paris, 5 novembre 2014, n° 241
• France, collection particulière
Bibliographie :
• Pierre Puget. Peintre, sculpteur, architecte (1620-1694), cat. exp., Marseille, 1994, pp. 134-135, n° 43.
• Charles Maumené et Louis D’Harcourt, "Iconographie des rois de France," Archives de l’art français, A. Colin, Paris, 1928, p. 75-76
• Léon Lagrange, Pierre Puget : peinture – sculpteur – architecte – décorateur de vaisseaux, ed. Didier, Paris, 1868, p. 377, n°75
• François Souchal, « À propos des portraits de Louis XIV sculptés par Puget » in Provence Historique, 1972, t. XXIII, fasc. 88, p. 31-41.
• Ferdinand Servian, Pierre Puget intime, Librarie P. Ruat, Marseille, 1920
• Klaus Herding, Pierre Puget : das bildnerische Werk, Gebr. Mann, Berlin, 1970
• Émile Baumann, Pierre Puget, sculpteur (1620-1694), Editions de l’École, Paris, 1949
Fils d’un maçon et tailleur de pierre, le jeune Pierre Puget se tourne naturellement, dès son plus jeune âge, vers l’art de la sculpture. Son premier emploi, plus proche de la maçonnerie que de la culture des beaux-arts, le conduit chez un constructeur de galères sur le port de Marseille, et révèle ses dons exceptionnels pour le dessin, ainsi que dans le maniement du ciseau.
À 18 ans, il gagne la France et s’inspire de ses témoignages antiques. Son retour en France cinq ans plus tard marque le début de sa gloire, que les plus éminents sculpteurs tels que Le Bernin (Naples, 1598 – Rome, 1680) ne tardent pas à reconnaître : « [j]e ne comprends pas qu’on m’appelle en France, quand on possède un artiste tel que Puget ». En 1661, Puget se rend une seconde fois en Italie, à Gênes. Il y restera sept ans. Ce séjour lui permettra de s’imprégner pleinement du génie des maîtres anciens, et d’en appliquer ingénieusement le savoir-faire à son œuvre.
La qualité remarquable de notre œuvre laisse peu de place au doute concernant sa paternité. La suprématie du règne du Roi-Soleil donna naissance à de nombreuses effigies, peintes, gravées, mais également sculptées : le modèle de médaillon de Puget connut un véritable succès qui conduisit l’artiste à en réaliser plusieurs versions, dont l’une fut vraisemblablement destinée à sa collection personnelle : « [s]a collection n’est pas sans importance, car, au nombre de ses œuvres issues de sa main, on remarque un Louis XIV (médaillon marbre) (…) ». Le nombre important de commandes ont pu conduire certains spécialistes à émettre l’hypothèse d’une intervention de l’atelier dans la réalisation de certaines pièces, demeurant cependant sans témoignage manuscrit ni réelle empreinte physique visible convaincante.
Témoignage personnel d’allégeance au monarque, commande privée (issue de milieux parlementaires), ou officielle (permettant de substituer la présence du roi dans ses provinces) le contexte de réalisation de l’œuvre demeure inconnu. Dans les différents inventaires nommés, les versions des médaillons représentant un profil de Louis XIV ne sont que brièvement décrites et arborent approximativement toutes les mêmes dimensions (lorsqu’elles sont mentionnées), ce qui rend d’autant plus complexe le discernement des provenances. Il en existe trois versions connues dont l’une est conservée au musée Granet d’Aix-en-Provence, achetée par la ville en 1827, et une autre au musée Lambinet de Versailles. La troisième version est précieusement conservée au musée de Marseille, offerte à la ville en 1856. Elle fut considérée jusqu’à présent comme la seule version autographe de l’artiste puisqu’elle porte la signature « PUGET SCP », or, l’ouvrage de Klaus Herding de 1971 mentionne : « Lagrange connaissait d’autres répliques aujourd’hui perdues, dont certaines portaient la signature de Puget ». En tout état de cause, le traitement raffiné des surfaces, l’utilisation imaginative des outils du sculpteur, notamment du trépan pour la chevelure et le ciseau dans les stries sous l’épaule droite ainsi que la minutie des détails font preuve d’une unité d’exécution qui rapproche étroitement notre médaillon de la version conservée au musée de Marseille.
Réalisée vraisemblablement en pleine période de maturité, au sommet de la gloire de l’artiste, les spécialistes ne s’accordent néanmoins pas sur la datation exacte de l’œuvre. Il semblerait qu’elle ait été réalisée après 1680, entre 1684 et 1688. Le roi aurait alors entre 46 et 50 ans, une estimation convaincante au regard de ses fameuses caractéristiques physiques dont le visage fort et éloquent au double menton ainsi que l’absence de moustache que le roi rasait à cette époque. Le buste du roi présente une barbe de dentelle retombant élégamment sur la cuirasse, coiffée elle-même de l’écharpe de l’ordre du Saint-Esprit. Bien que figée par la pierre, l’imposante perruque bouclée prise par le vent glisse autour du buste, apportant ainsi du mouvement à la composition et un contraste saisissant avec la retenue et le stoïcisme du visage.
Les opinions divergent quant au processus de réalisation du modèle. En effet, cette représentation du monarque, considérée comme très fidèle, est rare chez les sculpteurs de la seconde moitié du siècle : la majorité d’entre eux travaillaient d’après des médailles dont la perruque présentait de larges boucles imposantes, inexistantes dans les portraits peints. Cependant, il semblerait que Puget eut l’honneur de rencontrer le roi. Dans son ouvrage de 1949, Émile Baumann énonce : « [u]ne chose est certaine : Puget connut très bien Louis XIV ; car le médaillon en marbre qu’il sculpta de son profil suppose une étude attentive du modèle. Il ne vise pas à le flatter ; il l’évoque, tel que ce visage s’est incrusté dans sa mémoire : les bajoues opimes, la courbe longue du nez qui les allège, la moue fière de la lèvre, une expression de rassasiement sensuel, une majesté dans le port de tête qui n’exclut pas la mansuétude, un regard tombant de haut, d’un œil saillant, moins perspicace qu’impérieux. Le nœud de la cravate, les broderies du vêtement, la perruque, tout prend un caractère de vérité directe.(4) »
Exceptionnel témoignage du génie de l’artiste, repoussant les limites physiques du marbre, ce médaillon rappelle également le grand succès du renouveau de l’ornementation à l’antique de la seconde moitié du siècle. En représentant le monarque de profil dans un médaillon, Puget glorifie ainsi le souverain en l’associant aux empereurs et aux héros antiques et inscrit, de manière pérenne, le royaume de France dans la lignée des puissances romaines.
M.O.
Nous remercions Madame Geneviève Bresc-Bautier d’avoir authentifié l’œuvre, avec la possibilité d’une participation de l’atelier.
(1) Ferdinand Servian, Pierre Puget intime, Librarie P. Ruat, Marseille, 1920, p. 14
(2) Ferdinand Servian, op.cit., p. 26.
(3) Klaus Herding, Pierre Puget : das bildnerische Werk, Gebr. Mann, Berlin, 1970, p. 196.
(4) Emile Baumann, Pierre Puget, sculptor, (1620-1694). Editions de l’Ecole, Paris, 1949, p. 130.