1836. Plâtre.
Provenance
Berlin, collection particulière.
Fils du médailleur de Vérone Francesco Puttinati, Alessandro entreprit sa formation à l’Académie des Beaux-Arts de Brera chez Camillo Pacetti et reçut le grand prix de sculpture en 1823. Vers 1828, il rejoignit l’atelier romain de Bertel Thorvaldsen avant de s’installer à Milan, où il réalisa des marbres dont quelques statues pour le Dôme et les monuments de Carlo Porta (Milan), de Garibaldi (Luino) ou de son ami Balzac (1837, Paris, Musée Balzac). Mais l’essentiel de sa production – petites statuettes en plâtre, portraits de ses contemporains pour la plupart –, demeure méconnu. La raison en est l’extrême fragilité du matériau qui craint l’eau et se brise facilement, mais aussi la dispersion des collections patiemment constituées à l’époque et, surtout, le peu d’intérêt que les amateurs du XXe siècle avaient pour ces œuvres, souvent privées de leur identité et reléguées au statut de simples objets de décoration.
Il n’est donc aujourd’hui plus possible de reconstituer dans son intégralité cette « galerie idéale des milanais illustres » – ses amis peintres, mais aussi musiciens, écrivains et politiciens – que Puttinati avait présentée pour la première fois à l’Académie de Brera en 1831 et qu’il n’avait cessé depuis d’enrichir, ce « Panthéon d’un genre nouveau, débarrassant les hommes illustres de leur auréole de convention, représentés dans l’intimité de leur ateliers et cabinets, et non dans la pompe d’une salle académique […], une série de génies en robe de chambre et pantoufles » (Giuseppe Rovani, Le tre arti considerate in alcuni illustri contemporanei, II, Milan, 1874, p. 191).
Le groupe le plus important est conservé au musée du Castelvecchio de Vérone, soit onze statuettes, restaurées en 1990-1992 peu après leur redécouverte dans les réserves. Toutes mesurent une quarantaine de centimètres de hauteur et presque toutes sont pourvues d’un piédestal portant le nom du modèle, mais les similitudes s’arrêtent là. Car chacune se présente comme un monument en miniature – à l’exact opposé des portraits-charges de Jean-Pierre Dantan le Jeune – et possède une présentation propre. Les artistes sont majoritaires, tous représentés en train de choisir quelque sujet à peindre ou à réfléchir à leur œuvre, mais dans des poses les plus variées, assis ou debout, portant veste et haut-de-forme ou vêtus d’une simple robe de chambre : l’émailleur Pietro Bagatti Valsecchi, Massimo Taparelli d’Azeglio, Friedrich von Amerling, Giovanni Migliara, Giusemppe Canella et, enfin, Francesco Hayez, le modèle de notre sculpture.
Boursier en 1806 de l’Académie de Venise, sa ville d’origine, il travailla à Rome et à Naples avant de venir à Milan dans le milieu des années 1830. Il y fut le chef de file des romantiques et était réputé pour ses grands tableaux historiques évoquant le Moyen Âge et la Renaissance comme le célèbre Baiser (Milan, Pinacoteca di Brera), ses nus féminins et ses portraits. En 1850, il devint directeur de l’Académie de Brera. Puttinati figura Hayez debout, la palette dans la main gauche et le pinceau dans la droite, comme s’apprêtant à poser une dernière touche à une toile. Il est vêtu d’une blouse d’artiste et coiffé d’un petit chapeau à bords relevés. La statuette de Vérone est peinte pour imiter une patine, comme le sont certains autres plâtres de Puttinati à défaut de pouvoir être réellement traduits en métal à l’instar du portrait de Thorvaldsen dont il subsiste au moins une version en plâtre et une autre en bronze doré (collection particulière).
Notre œuvre ne porte aucune trace de peinture, mais sa blancheur ne fait que renforcer ce sentiment de proximité immédiate, de grande vérité qui avait séduit Rovani en 1847. Tout est naturel, habituel, banal presque dans cette pose et dans ce regard calme et rêveur. Et il n’est guère étonnant que l’élève de Puttinati, Francesco Barzaghi, ait pensé à la statuette de son maître lorsqu’il reçut en 1890 la commande du monument de Francesco Hayez pour la place de Brera (ill. 3). Plus âgé et barbu, le peintre y a la même pose, même concentration, habit de travail, palette et pinceau, mais il est plus solennel et ses gestes semblent crispés et artificiels, alors qu’ils étaient si faciles et simples chez Puttinati.