Epreuve en bronze à patine noire nuancée de brun, signée Dalou en creux à droite et portant sur la terrasse le cachet Susse et la signature « Susse frère éditeurs »
Jules Dalou considérait comme son maître Jean-Baptiste Carpeaux, qui l’avait introduit puis formé à la Petite Ecole. Il délaissa rapidement l’enseignement académique de l’Ecole des Beaux-Arts qu’il avait rejoint en 1854, et connut quatre échecs aux Prix de Rome dans les années ¬1860. Les débuts de cet homme sensible furent laborieux. Il s’adonna pour vivre à la sculpture décorative ; ses réalisations à l’Hôtel de la marquise de Païva révélèrent son talent. Après un premier succès au Salon de 1870 – La brodeuse – la Commune fit basculer sa carrière. Son engagement dans la Fédération des Artistes de Courbet lui valut dix ans d’exil à Londres : son travail séduisit, et les commandes abondèrent.
Le succès de Dalou ne se démentit pas à son retour en France, qui vit l’avènement de sa carrière officielle. Le Salon de 1883 fut, selon le critique Philippe Burty, « le Salon de Dalou » ; Rodin reprocha même au sculpteur de vouloir devenir « le Lebrun de la troisième République ». Le Triomphe de la République commandé par la Ville de Paris (place de la Nation) fut l’une des réalisations majeures d’un artiste qui ne voulut jamais renier ses origines populaires.
Il reste peu de traces de la genèse des œuvres du sculpteur, qui travaillait sur papier ses compositions avant d’en initier l’étude en trois dimensions. De notre Projet de monument à la courtisane, on connaît toutefois un dessin au crayon, exposé par la galerie Delestre en 1976, et trois ébauches en terre cuite et plâtre patiné, présentant des variations de détails (Petit Palais).
La femme nue demeura un sujet de prédilection de Dalou, teinté de son goût pour le XVIIIe de Clodion ou Puget. Si le style de l’artiste, gracieux et lisse avant 1892 – 1894, a désormais évolué vers une facture plus vigoureuse, la matérialité et la souplesse des jeunes corps demeurent. Ici, la surface accidentée du socle rehausse par contraste le velouté de la peau et le moelleux des chair de la jeune courtisane au corps abandonné.
Le socle est orné d’une frise continue en bas-relief. On y distingue des corps noueux, enchevêtrés, évoquant les Lutteurs ou des Bacchanales, deux thèmes travaillés par le sculpteur. On reconnaît aussi le buste nu d’une femme dans une posture semblable à la Désespérée (plâtre patiné en ronde-bosse, Petit Palais). Une tension dramatique émane de ces figures tourmentées, vision d’une Luxure aux allures d’enfer qui contraste avec la paix de la jeune femme en partie supérieure.
Dalou travailla jusqu’à sa mort, en 1902, à ce projet de monument débuté en 1895 et jamais exécuté. La maison Susse, par un contrat daté du 27 janvier 1910 édita les œuvres de Jules Dalou ; on y retrouve le grand modèle de notre Courtisane (P.Cadet « Edition des œuvres de Dalou par la maison Susse », n°11 de la liste p.107). Un petit modèle a également été édité sous le numéro 12.