H. 42, L. 25, P. 20 cm
Circa 1906.
Bronze à patine verte et noire nuancée à l’antique.
Fonte à cire perdue.
Signé sur la base DALOU.
Cachet du fondeur Hébrard.
Numéroté (3).
OEuvres en rapport
La terre cuite originale n’est pas localisée.
Plâtre patiné entré au Petit Palais avant 1906 de provenance inconnue (H. 47 cm, inv. PPS00358).
Un autre plâtre patiné donné en 1906 au Louvre par la fille du mouleur Bertault (musée d’Orsay, RF 1891).
Édition en bronze à grandeur, contrat Hébrard-héritiers Dalou, 10 mai 1906, no 30 (comme « Tête de fleuve », 4e catégorie).
Édition en biscuit par la manufacture de Sèvres.
Fils d’un ouvrier gantier, Aimé Jules Dalou fut remarqué très jeune par Jean-Baptiste Carpeaux, qui l’engagea en 1852 à intégrer la Petite École, et suivit attentivement sa formation. Deux ans plus tard, Dalou rejoignit l’atelier de Duret à l’École des Beaux-Arts, mais continua sa vie durant de considérer Carpeaux comme son maître. Le jeune sculpteur souffrit de l’enseignement académique des Beaux-Arts qu’il délaissa rapidement. Il devait, quelques trente années plus tard, refuser le poste de professeur qu’on lui y proposait.
Les débuts de cet homme sensible, doutant de lui, furent laborieux. Après quatre échecs au prix de Rome (1861 à 1865), il s’adonna pour vivre à la sculpture décorative, réalisant des modèles pour un fabricant de bronze commercial, puis travaillant pour les orfèvres Favière et le décorateur Lefèvre. Il réalisa d’importants travaux décoratifs pour l’Hôtel de la marquise de Païva puis l’Hôtel Menier.
Jules Dalou connut un premier succès au Salon de 1870 avec une Brodeuse. L’État lui en commanda une version en marbre, mais la Commune ne lui permit pas de venir à bout de l’entreprise, entraînant l’artiste, sa femme et sa fille pour dix années d’exil en Angleterre où il fut chaleureusement accueilli. A son retour définitif à Paris, en 1880, le succès de Dalou alla croissant, assorti de médailles au Salon et de très nombreuses commandes privées et publiques.
C’est en 1890 que Marguerite de Rothschild, duchesse de Gramont, qui avait connu Dalou à Londres, lui commanda un groupe en marbre pour orner le bassin d’une serre dans son hôtel particulier de la rue de Chaillot. La sculpture fut présentée à l’exposition de la Société nationale des Beaux-Arts en 1892 (no 1483) sous le titre Les Épousailles, mais désignée par Dalou lui-même comme Le Passage du Rhin. L’artiste associa en effet deux faits rattachés à l’histoire du couple de Gramont et de leurs ascendants. D’une part, le passage du Rhin à la nage par Armand de Gramont, comte de Guiche, lors de la guerre de Hollande en 1672, et d’autre part, la symbolique traversée inverse de Marguerite de Rothschild venant de Francfort rejoindre son futur époux.
Le marbre représentait un homme nu vigoureux enlevant dans ses bras une femme, également nue, afin de lui faire franchir le fleuve, figuré lui par un homme à la longue barbe, la chevelure ornée de roseaux. Rejeté au pied du couple, le dieu fleuve attirait pourtant tous les regards, qualifié par Maurice Dreyfous de « morceau de premier ordre ». Lors de la destruction de l’hôtel de Gramont, la sculpture de Dalou rejoignit le parc du château de Vallière, construit pour le duc Agénor de Gramont à Mortefontaine. Sa trace depuis se perd.
À la mort de l’artiste, l’esquisse préliminaire originale en terre cuite pour le couple du Passage du Rhin, appartenant alors à Charles Auzoux, ami et exécuteur testamentaire de Dalou, fut édité en bronze par la maison Hébrard. Par l’intermédiaire du mouleur Bertault, une version en plâtre entra en 1907 au musée du Petit Palais qui conserve le fond d’atelier du maître. Elle y rejoignit le plâtre préparatoire à la tête du dieu fleuve, grandeur réelle, mais traité à la manière d’un buste avec un socle carré. L’année précédente celui-ci fit l’objet d’une édition en bronze chez Hébrard suivant le contrat passé avec les héritiers de l’artiste. On ignore le nombre d’exemplaires coulés, mais seuls deux bronzes, dont le nôtre, sont à ce jour localisés.
Il s’agit de toute évidence d’une étude pour le monument des Gramont, sans que rien ne permet de comprendre la manière dont la figure du Fleuve devait s’y intégrer.
L’oeuvre est parfaitement indépendante et très aboutie. C’est une tête puissante et fascinante, d’une tension concentrée et d’une expressivité dantesque, dans la lignée des grands statuaires baroques et antiques.
M.B. & A.Z.
Bibliographie de l’oeuvre
Amélie SIMIER et Marine KISIEL, Jules Dalou, le sculpteur de la République. Catalogue des sculptures de Jules Dalou conservées au Petit Palais, Paris, Musées, 2013, p. 433, cat. 357 (plâtre patiné).
Bibliographie générale
Maurice DREYFOUS, Dalou, sa vie et son oeuvre, Paris, Laurens, 1903, p. 198.
Stanislas LAMI, Dictionnaire des sculpteurs de l’école française au XIXe siècle, Paris, 1914, t. II.
Pierre KJELLBERG, Les Bronzes du XIXe siècle. Dictionnaire des sculpteurs, Paris, 1989.