H : 41 cm / Socle : 11 cm
Terre cuite à patine cuivrée et tempera blanche
Le Sujet
Particulièrement mis à l’honneur à partir du Concile de Trente, le motif de la Vierge en gloire est présent dans l’art italien dès le Quattrocento. Comme le rappelle Gérard Labrot, c’est un « désir de transcendance [qui] conduit les artistes à combiner, à fusionner même, le motif de la Madone trônant ou de la Madone dans la mandorle, et celui de l’Assomption ». Si le dogme de l’Assomption n’est proclamé qu’en 1950, il est vivace chez les croyants depuis les premiers siècles. Il correspond particulièrement aux recommandations iconographiques dictées par le Concile de Trente, redonnant sa place à l’intercession de la Vierge, et réaffirmant la présence du surnaturel.
Le sculpteur a figuré ici la Vierge, sur une nuée cotonneuse et enveloppante. Sa posture dynamique est contrecarrée par la position de ses mains, croisées sur la poitrine en signe de recueillement. Son genou gauche est plié en avant, la partie basse de sa jambe disparaît dans les nues. Un manteau drapé, flottant, accompagne ce mouvement d’ascension cher à l’esthétique baroque ; il virevolte autour du corps en larges plis ondulants. L’expression du visage est sobre, les traits sont réguliers, manifestant l’intemporelle beauté de la Vierge. Le cou est élongé, la tête est tournée et inclinée, couronnée d’un voile léger découvrant la chevelure.
Une Oeuvre Préparatoire
L’œuvre en terre-cuite, dénuée d’attributs, est probablement préparatoire à une ronde-bosse de grand format, destinée à être exécutée en marbre. Seule la partie avant de la statue est traitée dans le détail, laissant supposer que la commande était destinée à surmonter un autel votif. La qualité du modèle est traduite par la finesse du modelé, autant que par l’originalité de la patine, cuivrée pour la Vierge, blanche pour les nuées.
Le contexte artistique : Genova aux années 1660
Notre Vierge s’insère dans le milieu particulier qu’était, depuis les années 1660, l’école génoise. Le marbre avait alors la préférence des sculpteurs, qui entretenaient des liens étroits avec Carrare et son Offitium Marmoris, fondé pour en réguler l’exportation. Le climat artistique de la ville était encore marqué par le passage de Pierre Puget, qui s’y était installé en 1661, après la disgrâce de son protecteur Fouquet. Rappelé en France par Colbert six ans plus tard, Puget laissait dans la ville des œuvres rappelant sa manière, sa grâce et sa virtuosité, et des élèves et collaborateurs qui poursuivront son travail. Les plus fameux d’entre eux furent certainement Daniello Solaro et Filippo Parodi.
Notre œuvre peut être plus précisément rapprochée du travail de Jacopo Antonio Ponzanelli, élève puis collaborateur de Filippo Parodi. Jacopo Antonio était natif de Carrare, et issu d’une famille de ‘marbriers’ qui possédaient leur propre entreprise. Le jeune artiste se forma donc très certainement dans l’atelier de son père, sculpteur décoratif, avant d’être envoyé à Gênes chez Parodi. Quand la coutume était plutôt la transmission de l’atelier de père en fils, ce fait original atteste de la culture ouverte des Ponzanelli. Jacopo Antonio deviendra rapidement collaborateur de Parodi, jusqu’à la mort de ce dernier en 1702 ; il l’accompagnera dans ses voyages, parfaisant à Rome sa formation, enrichissant sa manière des leçons du Bernin.
Notre Sculpture
Ponzanelli s’illustre dans un baroque très souple, expressif et lisible à la fois. On retrouve dans notre sculpture sa manière de modeler des drapés flottants, aux arêtes ondulantes, accentuées sans jamais présenter d’angles vifs. La façon dont le manteau enveloppe le corps de notre Vierge se retrouve chez l’ange du Monument funèbre de l’évêque Stefano Spinola (Cathédrale d’Assunta, Savona). Les deux visages présentent un type similaire. Notre Vierge peut également être confrontée à la Gloire de Sainte Marthe de Parodi (Eglise Sainte-Marthe, Genève), dans la posture de la sainte, en extase sur une nuée, et le mouvement de ses bras.
Bibliographie
F. GUELFI, R. SANTAMARIA, Jacopo Antonio Ponzanelli : scultore, architetto, decoratore : Carrara 1654 – Genova 1735, Fosdinovo : Associazione artistico culturale PerCorsi d’arte, 2011
G. LABROT, « La Vierge en gloire à la Contre-Réforme. Esquisse d’analyse fonctionnelle », in Mélanges de l’Ecole française de Rome, Italie et Méditerrannée, 1994, n° 106 – 2, pp. 593 - 637